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PROGRAMME GÉNÉRAL DES EXPÉRIENCES INVENTÉES ET EXÉCUTÉES PENDANT LE COURS DE MES REPRÉSENTATIONS

bouteille inepuisable

LA BOUTEILLE INÉPUISABLE.
Ce tour est un des plus brillants que j’aie jamais exécutés. Il est toujours très chaleureusement
applaudi.
Je me présente en scène ayant en main une petite bouteille remplie de vin de Bordeaux. Je la vide
complètement en versant son contenu dans des verres et je la rince ensuite avec un peu d’eau, en
ayant soin de la bien faire égoutter.
Ce préambule terminé, je m’avance au milieu des spectateurs et, tenant toujours la bouteille
renversée, je leur offre d’en faire sortir toute liqueur qu’ils pourront désirer.
Ma proposition est généralement accueillie avec une grande faveur. De tous côtés des demandes
me sont aussitôt faites par des gens aussi désireux de s’assurer de la réalité du tour que de la qualité
des liqueurs.
Ces liqueurs sont aussitôt fournies que demandées. Il n’en est aucune, spiritueuse ou aromatique,
de quelque pays qu’elle puisse être, qui ne soit versée avec la plus grande libéralité.
La distribution ne se termine que lorsque le spectateur, craignant de ne pouvoir consommer tout
ce qui sortirait de la bouteille, et trouvant aussi que plus il ferait prolonger l’expérience, moins sa
raison pourrait lui rendre des comptes, se détermine enfin à cesser ses demandes.
Pour terminer ce tour d’une manière saisissante, en donnant une preuve de la libéralité
inépuisable de ma bouteille, je prends un grand verre à boire pouvant contenir au moins la moitié du
flacon, et je l’emplis jusqu’aux bords avec une liqueur qui m’est encore demandée.
La Bouteille inépuisable a été représentée pour la première fois à mon théâtre le 1er décembre
1847.

 

ORANGER FANTASTIQUE

L’ORANGER FANTASTIQUE.
Cette pièce mécanique était précédée de plusieurs tours d’escamotage qui motivaient son
introduction sur la scène.
J’empruntais le mouchoir d’une dame; j’en faisais une boule que je mettais à côté d’un oeuf, d’un
citron et d’une orange rangés sur ma table.
Je faisais ensuite passer ces quatre objets les uns dans les autres, et lorsqu’enfin ils étaient tous
réunis dans l’orange, je me servais de ce fruit pour composer une liqueur fantastique.
Pour cela, je pressais l’orange entre mes mains, et je la réduisais de grosseur en la montrant de
temps à autre sous ses différentes formes, et je finissais par en faire une poudre que je faisais passer
dans un flacon où il y avait de l’esprit de vin.
On m’apportait alors un oranger dépourvu de fleurs et de fruits. Je versais dans un petit vase un
peu de la liqueur que je venais de préparer; j’y mettais le feu; je le plaçais au-dessous de l’arbuste, et
aussitôt que l’émanation atteignait le feuillage, on le voyait se charger de fleurs.
Sur un coup de ma baguette, ces fleurs étaient remplacées par des fruits que je distribuais aux
spectateurs.
Une seule orange était restée sur l’arbre; je lui ordonnais de s’ouvrir en quatre parties, et l’on
apercevait à l’intérieur le mouchoir qui m’avait été confié. Deux papillons battant des ailes le
prenaient par les angles et le déployaient en s’élevant en l’air.
Ce tour est de ma création.

 

LA PÊCHE MERVEILLEUSE

LA PÊCHE MERVEILLEUSE.
On se rappelle le tour chinois intitulé par Philippe: Le Bassin de Neptune. J’ai dit que le
prestidigitateur du bazar Bonne-Nouvelle, à l’exemple des habitants du Céleste-Empire, s’était revêtu
d’une robe nécessaire à l’exécution du tour. J’ai dit aussi ma répulsion pour tout vêtement en dehors
de nos usages. Il devait donc sembler impossible de me voir jamais reproduire cette merveilleuse
expérience, lorsqu’un jour, on vit sur mes affiches l’annonce d’un tour intitulé: la Pêche miraculeuse.
Ce n’était pas autre chose que le tour chinois que je me proposais d’exécuter, mais dans des
conditions beaucoup plus difficiles.
J’arrivais en scène ayant en main un pied de guéridon qui se terminait par une pointe aiguë. Je le
posais devant moi, et près des spectateurs.
Je me saisissais d’un châle que j’étalais en tous sens, et que je secouais avec force afin de bien
prouver qu’il ne contenait rien.
—Voici d’abord comment on doit prendre et poser son épervier. Je ramassais les plis du châle et
je le jetais sur mon épaule. Figurez-vous maintenant, Messieurs, que la pointe de ce pied de guéridon
soit un étang, je sais qu’il faut se faire une grande illusion pour cela, mais enfin admettez cette fable
pour un instant. Dans cette circonstance, on s’approche silencieusement de l’étang, on lance son
épervier comme cela sur l’endroit où l’on suppose trouver du poisson, on le relève, et l’on montre,
ainsi que je le fais maintenant, une pêche vraiment merveilleuse.
A cet instant, un bocal beaucoup plus grand que celui de Philippe, contenant d’énormes poissons
rouges, apparaissait en équilibre sur la pointe du guéridon, et lorsqu’on voulait l’enlever de cet
endroit, il était impossible de le bouger de place sans répandre de l’eau.

 

LA PENDULE AÉRIENNE

LA PENDULE AÉRIENNE.
Parmi les expériences que je présentai au public en 1847, ma pendule fut une de celles qui
produisirent le plus d’effet, et même maintenant que l’on suppose à tort ou à raison que l’électricité y
joue un certain rôle, on ne peut se dispenser de l’admirer.
Il y a certains spectateurs qui vont aux séances de prestidigitation, moins pour jouir des illusions
que pour faire parade d’une perspicacité très souvent douteuse. Pour ceux-là, l’expérience de la
Pendule aérienne est vite expliquée: c’est de l’électricité. C’est plutôt fait.
Mais pour l’observateur consciencieux, pour le savant, pour le connaisseur enfin, il est très
difficile de se prononcer sur ce sujet, parce qu’ils savent que pour qu’un effet électro-magnétique se
produise, il ne suffit pas d’un courant électrique, il faut encore des appareils matériels qui
représentent un certain volume. Ainsi dans le télégraphe même le plus simple, ce sont des roues
dentées, un électro-aimant, une palette, des leviers, des supports, etc.
Dans ma pendule aérienne on ne voyait rien de tout cela; il n’y avait qu’un cadran de cristal
transparent, au milieu duquel était une aiguille.
Ce cadran était suspendu par de légers cordons et complétement isolé, ce qui n’empêchait pas
que l’aiguille tournait à droite et à gauche, s’arrêtait ou reprenait sa marche à la volonté des
spectateurs.
Un timbre également en cristal, suspendu en dessous, sonnait l’heure que marquait la pendule, ou
bien encore celle qu’on lui désignait. Ces objets, avant et après l’expérience, étaient présentés au
public pour être examinés.
Pour terminer, je remettais à un spectateur un cordon auquel tenait le crochet; il y suspendait le
timbre et le faisait sonner à son commandement.

 

LA SECONDE VUE Ou la Clochette Mystérieuse

LA SECONDE VUE, Ou la Clochette Mystérieuse.
L’expérience représentée par la gravure ci-contre est un perfectionnement apporté à la Seconde
vue, que j’ai décrite au commencement de ce volume. Les résultats sont exactement les mêmes; le
principe seul est changé.
Au lieu de faire à mon fils cette question: «Dites ce que je tiens à la main?» à chaque objet qui
m’était remis, je frappais un coup sur une petite clochette, et malgré cette uniformité du signal,
l’enfant dépeignait l’objet comme si l’eût eu sous les yeux.
Mais ce qui pouvait intriguer les intrépides scrutateurs de mes secrets, c’est que peu d’instants
après, je mettais la clochette de côté, et bien que j’observasse le silence le plus complet, tous les
objets présentés n’en étaient pas moins immédiatement désignés par l’enfant.
J’imitais aussi certains phénomènes produits par quelques sujets magnétisés. Je lui couvrais les
yeux d’un épais bandeau, et sans prononcer une parole, je lui remettais entre les mains un verre plein
d’eau; le liquide prenait sous ses lèvres le goût d’un autre liquide quelconque sur lequel un
spectateur avait fixé sa pensée, quelque bizarre que fût ce choix.
Toujours sans que je lui parlasse, je lui faisais porter un bouquet à une dame qu’un spectateur
avait secrètement désignée, ou bien il exécutait un ordre qui m’était confié à voix basse, tel que celuici:
Aller prendre une tabatière dans la poche d’une personne désignée; en ôter une prise de tabac
pour la porter ensuite dans le porte-monnaie d’une autre personne.

 

LE FOULARD AUX SURPRISES

LE FOULARD AUX SURPRISES.
Un principe fondamental de la prestidigitation, c’est de produire de grands effets avec de petites
causes; autrement dit, il faut produire, avec de petits objets, des objets d’un gros volume.
Qu’y-a-t-il d’étonnant en effet de faire sortir d’une boîte à double fond ce qui peut y être
contenu? La difficulté consiste uniquement dans l’ingéniosité de l’appareil, et tout le mérite revient à
l’ébéniste ou au ferblantier qui a fabriqué la boîte.
Mais le foulard aux surprises est un tour qui ne pouvait laisser croire à aucune combinaison
mécanique, parce que l’instrument qui devait produire des objets si volumineux pouvait être réduit à
de bien petites proportions.
Ce foulard était confié par un spectateur. Aussitôt que je l’avais entre les mains, je le pressais,
l’étirais et le retournais en tous sens pour prouver qu’il ne contenait rien, puis, le prenant par le
milieu, je le secouais et j’en faisais sortir un plumet. En retournant le foulard du côté opposé, j’en
retirais un second, un troisième, un quatrième plumet et jusqu’à un panache de tambour-major. Enfin
une véritable pluie de plumets venait couvrir la scène.
Ces subtilités étaient le préambule d’un tour beaucoup plus surprenant encore, et qu’on pourrait
appeler à plusieurs titres le bouquet de l’expérience.
Je m’approchais des spectateurs, et après avoir une dernière fois bien secoué et retourné le
foulard de tous côtés, j’en faisais sortir une énorme corbeille de fleurs que je distribuais aux dames.
Ce tour faisait partie des expériences annoncées sur ma première affiche.

 

LA SUSPENSION ÉTHÉRÉENNE 2

LA SUSPENSION ÉTHÉRÉENNE.
Dans l’année 1847, on se le rappelle, il n’était question que de l’éther et de ses merveilleuses
applications. J’eus alors l’idée d’user à mon profit l’engouement du public pour en faire un à-propos
qui eut un succès prodigieux.
—Messieurs, disais-je avec le sérieux d’un professeur de la Sorbonne, je viens de découvrir
dans l’éther une nouvelle propriété merveilleuse.
Lorsque cette liqueur est à son plus haut degré de concentration, si on la fait respirer à un être
vivant, le corps du patient devient en peu d’instants aussi léger qu’un ballon.
Cette exposition terminée, je procédais à l’expérience. Je plaçais trois tabourets sur un banc de
bois. Mon fils montait sur celui du milieu, et je lui faisais étendre les bras, que je soutenais en l’air
au moyen de deux cannes qui reposaient chacune sur un tabouret.
Je mettais alors simplement sous le nez de l’enfant un flacon vide que je débouchais avec soin,
mais dans la coulisse on jetait de l’éther sur une pelle de fer très chaude, afin que la vapeur s’en
répandît dans la salle. Mon fils s’endormait aussitôt, et ses pieds, devenus plus légers, commençaient
à quitter le tabouret.
Jugeant alors l’opération réussie, je retirais le tabouret de manière que l’enfant ne se trouvait
plus soutenu que par les deux cannes.
Cet étrange équilibre excitait déjà dans le public une grande surprise. Elle augmentait encore
lorsqu’on me voyait retirer l’une des deux cannes et le tabouret qui la soutenait; et enfin elle arrivait
à son comble, lorsqu’après avoir élevé avec le petit doigt mon fils jusqu’à la position horizontale, je
le laissais ainsi endormi dans l’espace, et que pour narguer les lois de la gravitation, j’ôtais encore
les pieds du banc qui se trouvait sous cet édifice impossible, tel que le représente la gravure cidessus.
La première représentation eut lieu le 10 octobre 1849.

 

LA GUIRLANDE DE FLEURS

LA GUIRLANDE DE FLEURS.
Ce tour était très compliqué et formait à son dénouement un très joli tableau.
J’empruntais deux mouchoirs et trois montres; j’en faisais un paquet que je mettais dans une sorte
de pistolet-tromblon, et j’y joignais trois cartes choisies dans un jeu par un des spectateurs. Pendant
ce temps, on apportait une guirlande de fleurs que l’on suspendait à de petits rubans placés au milieu
de la scène.
J’annonçais alors que ces fleurs allaient me servir de point de mire, et que lorsque je ferais feu
de ce côté, les montres, les mouchoirs et les cartes iraient se grouper autour d’elles.
En effet, lorsque le coup partait les cartes apparaissaient sur la guirlande, les montres en dessous
et les mouchoirs pendaient sur le côté.
(Un erratum à signaler sur le dessin ci-dessus, c’est que le graveur a oublié d’y mettre les
mouchoirs).
Au commencement du tour, bien que je n’eusse besoin que de deux mouchoirs, j’en empruntais
trois, parce que j’en gardais un pour faire un autre tour sous forme d’intermède, dans le but
d’allonger cette petite scène qui, sans cela, eût été beaucoup trop courte.
Je mettais de l’esprit de vin sur ce mouchoir, je l’enflammais et je montrais les ravages du feu en
passant mon bras par un énorme trou. Puis sous le prétexte de me servir de ce principe des
homoeopathes: similia similibus curantur, je versais encore de l’esprit de vin sur le linge brûlé, je
l’enflammais de nouveau, et en frappant seulement avec la main sur le mouchoir incendié, je le
faisais reparaître dans son état primitif.
Le tour de la guirlande a été représenté pour la première fois le 18 janvier 1850.

 

LE CARTON DE ROBERT-HOUDIN

LE CARTON DE ROBERT-HOUDIN.
La plus simple des lois naturelles veut que le contenant soit plus grand que le contenu; ici c’est le
contraire. On peut donc appeler ce tour impossibilité réalisée.
En effet, j’apportais sous mon bras un carton à dessin qui n’avait pas plus d’un centimètre
d’épaisseur et je le posais sur de légers tréteaux placés dans le plus complet isolement au milieu de
la scène; puis j’en retirais successivement:
1º Une collection de gravures;
2º Deux charmants chapeaux de dame garnis de fleurs et de rubans, aussi frais que s’ils sortaient
à l’instant même des mains de la modiste;
3º Quatre tourterelles vivantes;
4º Trois énormes casseroles en cuivre remplies, l’une de haricots, l’autre d’un feu ardent, et la
troisième d’eau bouillante.
5º Une grande cage remplie d’oiseaux voltigeant de bâtons en bâtons[30].
6º Enfin, après que le carton avait été fermé une dernière fois, mon plus jeune fils, le héros de la
suspension éthéréenne, soulevait le couvercle, montrait au public sa tête souriante et sortait aussi de
cette étroite prison.

 

IMPRESSION INSTANTANÉE

L’IMPRESSION INSTANTANÉE,
Ou la communication des couleurs par la volonté.
Je présentais au public plusieurs flacons remplis de diverses couleurs, et j’annonçais que, par un
procédé nouveau, je pouvais faire passer des liquides colorés à travers un faible ruban de soie, à
quelque distance que ce fût.
Je mettais alors au milieu des spectateurs un petit pupitre sur lequel j’étendais un linge.
Messieurs, disais-je, voici un cachet communiquant par un léger cordon à cette bouteille qui est
pleine d’une liqueur rouge; veuillez essayer d’en imprimer l’empreinte en pressant sur l’étoffe.
Un des spectateurs essayait, mais en vain; l’étoffe restait entièrement blanche.
—Pour faire passer le liquide jusque dans le cachet, ajoutais-je avec un grand sérieux, il manque
une formalité; il faut que j’en donne le commandement. Je le fais en ce moment. Essayez maintenant,
je vous prie.
En effet, le nom gravé sur le cachet s’imprimait en beaux caractères rouges; mais sitôt que je
donnais un ordre contraire, on avait beau appliquer le cachet, le liquide ne passait plus.
Je prenais ensuite un autre flacon contenant du bleu, j’y attachais le ruban par une de ses
extrémités, et afin qu’on fût bien assuré qu’il n’y avait aucune préparation dans le cachet, je priais un
spectateur d’attacher une clé à l’autre bout du ruban. Ces conditions remplies et le commandement en
étant donné, on pouvait écrire sur le linge avec la clé comme si c’eût été un pinceau.
Je terminais cette expérience en faisant subitement changer un bouquet de roses blanches en roses
d’un rouge très vif.

 

LE COFFRE TRANSPARENT

LE COFFRE TRANSPARENT,
Ou les Pièces voyageuses.
Ce tour avait pour but de montrer avec quelle facilité je pouvais faire passer invisiblement des
pièces de monnaie d’un endroit à un autre.
J’empruntais huit pièces de cinq francs que je faisais marquer avec beaucoup de soin par les
spectateurs, puis je les mettais ostensiblement dans un vase en cristal que je tenais à la main.
Je posais un autre vase sur une table à l’extrémité de ma scène et j’annonçais qu’en frappant avec
ma baguette sur celui où se trouvaient les pièces, une d’elles en sortirait à chaque coup pour passer
dans le verre vide.
Effectivement, au son que ma baguette produisait sur le cristal, une pièce en sortait pour passer
dans l’autre vase, et l’on en entendait le son argentin.
Au lieu de faire passer la huitième comme les autres, je la sortais du vase et je la remettais entre
les mains d’une dame, en la priant de bien la serrer pour l’empêcher de s’échapper.
Mais à l’instant où frappant sur la cloche, je disais: partez, la pièce emprisonnée sortait de la
main et on l’entendait rejoindre ses compagnes.
Pour terminer l’expérience d’une manière concluante, je suspendais à de minces cordons de soie
accrochés au plafond, un coffre de cristal transparent. Je le faisais balancer dans l’espace et lorsqu’il
se trouvait à son plus grand éloignement de la scène, j’y envoyais les pièces que l’on voyait
parfaitement arriver dedans.
A chacune de ces expériences, l’identité des pièces était constatée.
Représenté pour la première fois le 4 septembre 1849.

 

LE GARDE-FRANÇAISE

LE GARDE-FRANÇAISE,
Ou la Colonne au gant.
On apportait sur une table un petit automate revêtu du costume de Garde-Française: il portait un
mousquet et se tenait au port d’arme prêt à recevoir un commandement.
En automate bien appris, il commençait par saluer respectueusement l’assemblée, et après s’être
débarrassé de son arme, il envoyait de la main droite quelques baisers aux jeunes enfants qu’il
apercevait dans la salle.
J’empruntais à plusieurs dames de l’assemblée quatre bagues et un gant blanc, j’en faisais un
paquet et je le mettais dans le petit fusil que j’avais préalablement chargé et amorcé.
—Tenez, disais-je à mon Garde-française, je vous rends votre arme contenant un gant et quatre
bagues; montrez maintenant votre adresse, en envoyant tous ces objets sur ce point de mire. Je lui
montrais une colonne en cristal qui se trouvait sur une autre table.
L’automate mettait en joue, posait le doigt sur la gâchette, visait et, au signal que je lui en
donnais, faisait feu. Les objets contenus dans le fusil étaient projetés sur la colonne, et le gant, gonflé
comme s’il eût été porté par une main invisible se dressait sur le sommet du cristal, étalant à chacun
de ses doigts une des bagues qui m’avaient été confiées.
Je variais quelquefois l’expérience. Je mettais dans le fusil une seule bague et deux cartes
choisies secrètement par des spectateurs. L’automate dirigeait son arme vers un vase de fleurs que je
lui indiquais, et lorsqu’il faisait feu, un petit amour sortait du milieu des roses en battant des ailes et
portait à la main une torche allumée au bas de laquelle la bague était accrochée. Quant aux deux
cartes, elles avaient dévié de leur chemin et s’étaient fixées sur ma poitrine.

 

LE PATISSIER DU PALAIS-ROYAL

LE PATISSIER DU PALAIS-ROYAL.
Voyez ce charmant petit automate; à l’appel de son maître il vient sur le seuil de sa porte, et,
fournisseur aussi poli que pâtissier habile, il salue et attend les commandes de sa clientèle. Des
brioches chaudes et sortant du four, des gâteaux de toute espèces, des sirops, des liqueurs, des glaces,
etc., sont aussitôt apportés par lui que commandés par les spectateurs, et quand il a satisfait à toutes
les demandes, il aide son maître dans ses tours d’escamotage.
Une dame, par exemple, a-t-elle mis secrètement sa bague dans une petite boîte qu’elle ferme à
clé et qu’elle garde entre ses mains? à l’instant même le pâtissier lui apporte une brioche dans
laquelle se trouve la bague qui vient de disparaître de la boîte.
Voici une autre preuve de son intelligence.
Une pièce d’or lui est remise dans une petite corbeille par un spectateur, qui lui dit ce qu’il doit
prendre sur cette pièce en francs et centimes. Il s’enferme chez lui, et quelque compliqué que soit son
compte, il fait son calcul et rapporte en monnaie le reste de la somme.
Enfin une loterie comique est tirée, et c’est encore le pâtissier qui est chargé de la distribution
des lots.
Aussi intéressante par sa complication que par la gaîté qu’elle apportait parmi les spectateurs,
cette pièce était la mieux goûtée de mes expériences et terminait toujours brillamment ma séance.
Le pâtissier du Palais-Royal a été représenté pour la première fois à l’ouverture de mon théâtre.

 

DIAVOLO ANTONIO

DIAVOLO ANTONIO,
Le Voltigeur au Trapèze.
J’avais donné à cet automate le nom de Diavolo Antonio, célèbre acrobate, dont j’avais cherché
à imiter les périlleux exercices. Seulement l’original était un homme, et la copie n’avait que la taille
et les traits d’un enfant.
J’apportais mon jeune artiste de bois entre mes bras, comme je l’eusse fait pour un être vivant, je
le posais sur le bâton d’un trapèze, et là je lui adressais quelques questions auxquelles il répondait
par des signes de tête.
—Vous ne craignez pas de tomber?
—Non.
—Etes-vous bien disposé à faire vos exercices?
—Oui.
Alors, aux premières mesures de l’orchestre, il saluait gracieusement les spectateurs, en se
tournant vers toutes les parties de la salle, puis se suspendant par les bras, et suivant la mesure de la
musique, il se faisait balancer avec une vigueur extrême.
Venait ensuite un instant de repos, pendant lequel il fumait sa pipe, après quoi il exécutait des
tours de force sur le trapèze, tels que de se soulever à la force des bras et de se tenir la tête en bas,
tandis qu’il exécutait avec les jambes des évolutions télégraphiques.
Pour prouver que son existence mécanique était en lui-même, mon petit Diavolo abandonnait la
corde avec ses mains, se pendait par les pieds, et quittait bientôt entièrement le trapèze.
Cet automate a paru pour la première fois sur mon théâtre le 1er octobre 1849.

 

LE VASE ENCHANTÉ

LE VASE ENCHANTÉ,Ou le Génie des Roses.
Au commencement de cette petite scène, qui tenait de la féerie, on apercevait sur une table placée
au milieu de ma scène, un vase étrusque orné de pierreries, d’un travail et d’un goût exquis. Il était
surmonté de branches et de feuilles de rosier.
Je priais une dame de choisir une carte dans un jeu et de l’enfermer dans une petite boîte que je
lui présentais. Aussitôt la carte sortait de la boîte, revenait entre mes mains et se trouvait remplacée
par un charmant canari.
J’enfermais ce petit oiseau dans une cage.
—Mesdames, disais-je ensuite, ce serin est tellement obéissant, que lorsque je vais lui en donner
l’ordre, il sortira à travers les barreaux de sa cage pour aller se percher sur le bouquet qui couronne
ce vase. Afin de le mieux attirer, je vais faire pousser des fleurs sur ce feuillage.
J’étendais alors ma baguette sur le rosier et l’on voyait apparaître de petits boutons qui
grossissaient à vue d’oeil, s’épanouissaient insensiblement, et devenaient de magnifiques roses.
Ce prestige ne s’était pas plus tôt accompli, que le serin disparaissait de la cage et se montrait
sur le sommet du rosier en gazouillant de toute la force de son gosier.
Là, selon le désir des spectateurs, il chantait tel air qu’on lui désignait. Lorsque chacun avait
entendu le morceau de son choix, le musicien s’envolait, et rentrait dans la coulisse.
Pour terminer cette charmante scène, le vase s’ouvrait en plusieurs parties, formait un élégant
kiosque dans lequel un Indien exécutait, avec la plus rare perfection, sur une corde raide, des danses
acrobatiques.

 

LA CORNE D’ABONDANCE

LA CORNE D’ABONDANCE.
Parmi les modifications que j’avais apportées aux séances des prestidigitateurs qui m’avaient
précédé, j’ai signalé, dans le cours de cet ouvrage, le genre de cadeaux que j’offrais au public
comme souvenir de mes séances.
Comte et ses émules faisaient des distributions de jouets d’enfants et de sucreries qui se
trouvaient invariablement dans un chapeau. Je pensai qu’il était peu convenable d’offrir des
éventails, des fleurs et des bonbons, en les faisant sortir d’une source qui n’était pas toujours d’une
propreté irréprochable, et pour obvier à cet inconvénient, j’inventai la corne d’abondance.
Je présentais au public une sorte de grand cornet qui s’ouvrait en deux parties, afin qu’on pût
mieux en visiter l’intérieur, puis dès qu’il était refermé, j’en retirais des bonbons et des fleurs.
C’est aussi de ce cornet que je faisais sortir des journaux comiques, des albums, des quadrilles
illustrés, etc.
Je m’étais exercé à lancer ces différents objets avec une sûreté de direction telle qu’ils arrivaient
immanquablement aux personnes même les plus éloignées de ma scène.
Cette distribution, ainsi que celle de la bouteille inépuisable, produisait dans la salle une
animation des plus plaisantes. C’était à qui posséderait un de ces cadeaux, et l’on m’adressait de tous
côtés des supplications télégraphiques auxquelles je me faisais un devoir de répondre.

 

NOTES:
[1] Comus eut plus tard un concurrent redoutable dans Cotte dit Conus, qui était également doué d’une extrême habileté.
[2] Le jeu est divisé en quatres parties égales, par quatre cartes plus larges que les autres, de sorte que l’on peut couper où
cela est nécessaire pour l’organisation du jeu.
Voici l’ordre des cartes avant d’être coupées: Dame, neuf, huit, sept de trèfle. As, roi, valet, dix, dame, neuf, huit, sept de
coeur. As, roi, valet, dix, dame, neuf, huit, sept de pique. As, roi, valet, dix, dame, neuf, huit, sept de carreau. As, roi, valet, dix
de trèfle. Les quatre sept sont des cartes larges.
Lorsque l’adversaire a nommé la couleur dans laquelle il veut être repic et que nous supposerons être trèfle, on coupe au
sept de cette couleur et on lui laisse la liberté de donner par deux ou par trois. De plus, les cartes étant une fois données, on laisse
l’adversaire choisir celui des deux jeux qu’il préfère. Si celui-ci a donné les cartes par deux et qu’il ait gardé son jeu, on écarte:
les neuf de pique, de coeur et de carreau et deux dames quelconques. La rentrée donne quinte majeure en trèfle, quatorze d’as et
quatorze de rois.
Si, au contraire, l’adversaire a choisi le jeu du premier en cartes, on écartera: les sept de coeur, de pique et de carreau et
deux huit quelconques. La rentrée produira la même quinte en trèfle, quatorze de dames et quatorze de valets.
Si l’adversaire a préféré donner les cartes par trois, et qu’il garde son jeu, on écartera: le roi, le huit et le sept de coeur, le
neuf et le huit de pique, afin d’avoir par la rentrée: la quinte majeure en trèfle, une tierce à la dame en carreau; trois as, trois
dames et trois valets.
Si, au contraire, il choisit le jeu du premier en cartes, on écartera: la dame et le neuf de coeur, le valet et le sept de pique et
l’as de carreau. On aura par la rentrée cette même quinte majeure en trèfle, une tierce au neuf en carreau, trois rois et trois dix
qui feront soixante.
[3] Cette séance valut à Comte le titre de Physicien du Roi.
[4] Voir un ouvrage intitulé: Machines approuvées par l’Académie Royale des Sciences. Tome VI, pages 133 et 137.
[5] Les secrets du Grand-Albert, ouvrage rempli d’absurdités, et faussement attribué à Albert-le-Grand.
[6] Après la mort de Vaucanson, ses oeuvres furent dispersées et se perdirent; Le canard seul, après être resté longtemps
dans un grenier à Berlin, revit le jour en 1840, et fut acheté par un nommé Georges Tiets, mécanicien, qui employa quatre ans à le
remettre en état.
[7] L’automate joueur d’échecs jouait de la main gauche, défaut que l’on a faussement attribué à l’inadvertance du
constructeur.
[8] J’ai cette affiche en ma possession; je la tiens de M. Hessler, neveu du docteur Osloff, qui m’a communiqué également
ces détails et ceux qui suivent.
[9] Maëlzel était grand mangeur et non gastronome, comme on l’a dit; cette mort par suite d’indigestion le prouve.
[10] Depuis cette époque Bosco a modifié l’ornementation de sa scène. Ses tapis ont changé de couleur, les bougies sont
moins longues, mais la tête de mort, la boule, le costume et la séance sont restés invariablement les mêmes.
[11] C’est une sorte de panacée universelle pour le peuple anglais.
[12] Instrument que l’on met dans la bouche pour imiter la voix de Polichinelle.
[13] Ce tour, ainsi que celui de l’éclairage électrique, avaient été imaginés par un physicien nommé Her Dôbler; c’est de lui
que Philippe les tenait.
[14] Voir la figure et la description de l’expérience à la fin du volume.
[15] Petite trappe.
[16] Je n’ai jamais donné de séance sans avoir, en cas d’événement, un double de mes vêtements.
[17] Les théâtres possèdent un privilége émané du ministère de l’Intérieur; les spectacles ont une permission de la
préfecture.
[18] Ce petit incident n’empêcha pas le jury de m’accorder une médaille d’argent pour mes automates. Onze ans plus tard,
à notre exposition universelle de 1855, je recevais une médaille de première classe pour de nouvelles applications de l’électricité à
la mécanique.
[19] J’avais cru jusque-là que le type du cheval arabe était d’être petit et délicat. On trouve en Algérie d’excellents chevaux
de toute grandeur et de toute force.
[20] En terme de théâtre, on désigne les spectateurs par le nom de la place qu’ils occupent. Ainsi une ouvreuse dira: mon
avant-scène vient de sortir avec sa dame sous le bras; ma stalle nº 20 s’est trouvée malade, etc.
[21] Village arabe.
[22] Maisonnette construite en branches d’arbre.
[23] L’Arabe ne boit jamais pendant son repas; il attend pour cela qu’il soit fini.
[24] Pièces de cinq francs.
[25] Voir pour la description des instruments désignés ci-dessus: Le Traité d’électricité de M. E. Becquerel; Exposé de
l’électricité, par M. le Cte du Moncel; et le Cosmos.
[26] Acide sulfurique.
[27] On peut aussi mettre impunément ses doigts dans du plomb fondu en les trempant préalablement dans l’éther.—(Note
de l’auteur).
[28] On se rappelle que j’ai signalé cette particularité à propos de mes études sur l’escamotage.
[29] Sauf cette précaution, qui était indispensable, je soupçonne fort M. Boutigny d’avoir voulu m’effrayer un peu pour me
punir de mon incrédulité.
[30] Un de mes bons amis, M. Bouly, de Cambrai, avocat distingué, auteur de plusieurs ouvrages archéologiques très
estimés, amateur passionné des arts en général et de l’escamotage en particulier, est l’auteur de ce tour ingénieux. La cage
sortant du carton est entièrement de son invention. Les autres prestiges que j’ai ajoutés à cette expérience ne peuvent rien ôter
au mérite de l’idée première.