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Qu’est ce que l’illusionnisme?

Généralités, Histoire et Principes

L’illusionnisme est l’art et la science de produire des apparences inexplicables, amusantes et gracieuses.

Si l’on présentait des phénomènes dont le public n ‘arriverait pas à trouver l’explication, on produirait sans doute de l’étonnement; mais si  l’effet présenté ne possédait pas en même temps les deux autres qualités, ce serait du bien mauvais illusionnisme; et peut-être même laisserait-il une impression plutôt désagréable, parce que notre raison se trouverait choquée par ce qu’on lui montre, sans compensation donnée par l’agrément du spectacle.

Il ne suffit donc pas de connaître le mécanisme d’une expérience et ses procédés d’exécution : il faut savoir la présenter dans les meilleures conditions; et c’est à quoi va être consacrée la plus grande partie des deux chapitres suivants.

 

HISTORIQUE

Auparavant, disons quelques mots d’historique.

L’art de tromper ses semblables pour les amuser (car ce n’est pas autre chose) est bien vieux assurément. Les plus anciens textes, et même les plus anciens bibelots que nous ait laissés la préhistoire, nous montrent l’existence de sorciers et de magiciens, dont un bon nombre, on peut en être sûrs, étaient de simples illusionnistes – on a retrouvé des dispositifs de truquage dans les temples d’Egypte.

Jamnès et Membrès, les magiciens du Pharaon qui opposèrent leurs prodiges à ceux de Moïse, étaient des faiseurs de tours officiellement chargés d’en imposer au peuple : encore aujourd’hui, des « fakirs » hindous exécutent le même tour du serpent métamorphosé en bâton et inversement. L’antiquité classique a bien connu, en tout cas, les professionnels ambulants de l’escamotage; vers l’an 200 après J.-C., le rhéteur grec Alciphron, dans une de ses Lettres, donne d’un « numéro » de jeu de gobelets, présenté dans un cirque, une description assez détaillée pour qu’un auteur de nos jours ait pu en. faire une curieuse étude critique et technique.

Pour les dix siècles qui suivent, nous manquons de documents. Mais nous savons qu’au moyen âge, les jongleurs qui parcouraient villes et campagnes, jouant dans les châteaux, les tavernes et les granges, cumulaient plusieurs genres et formaient des troupes pouvant présenter un spectacle varié : chansons héroïques, satiriques ou sentimentales, farces et mystères dramatiques, exhibitions d’animaux dressés, acrobatie, jonglerie et équilibre, escamotages divers enfin.

En somme, ils constituaient de véritables music-halls ambulants, et nos cirques forains faisant la « caravane» de ville en ville, en ont poursuivi la tradition, avec un matériel beaucoup plus considérable et perfectionné.

C’est à partir de la Renaissance que, l’abondance des documents, désormais imprimés. aidant, nous commençons à  avoir des détails sur les programmes d’alors, et aussi des noms propres.

Merlin Coccaie parle dans une de ses Macaronées (poèmes farcis de latin de cuisine} de Boccal le Bergamasque, et, vers la même époque, Maître Gonin fut si populaire en France, que son nom resta synonyme d’escamoteur (voire, j’en rougis, de …. pickpocket!), et pendant cent ans fut -porté sans autre formalité par force confrères.

Au XVII° siècle, où se fondent les journaux et où les chroniques, Mémoires et lettres se font de plus en plus abondants, les contemporains signalent de nombreux escamoteurs.

La plupart opéraient sur le Pont-Neuf, y disputant à l’illustre Tabarin l’admiration du populaire, dont maint filou ne manquait point d’explorer les poches pendant ce temps. Mais le véritable spectacle d’illusionnisme en salle de théâtre par des artistes spécialisés exclusivement dans ce genre (car les « opérateurs » de plein air ne faisaient généralement quelques tours que pour attirer le public, et étaient surtout marchands d’étoffes à bon marché } ou de mercerie, ou arracheurs de dents, etc.}, ne se rencontre guère qu’au XVIIIe siècle, spécialement à la célèbre Foire Saint-Germain (près les églises Saint-Sulpice et Saint-Germain-des-Prés). Campardon,  Fournel, Hullard et autres historiographes des fêtes populaires, ont mis au jour un assez grand nombre de noms, dont la liste serait assurément fastidieuse.

Je citerai seulement ceux du « Paysan de Nort-Hollande », aux foires de 1746, 47, 51, de Delisle (1749), de !’Anglais Jonas (1774), de Palatin (1777) et de Perrin (ce dernier aux foires, au Palais Royal et boulevard du Temple, 1785-89).

Au moment de la Révolution, le plus célèbre « physicien »

– le grand mouvement scientifique de l’époque portant chacun à se qualifier d’homme de science – était L’Italien Pinetti.

né en 1750, mort en Russie en 1796, dont le succès était d’ ailleurs dû plus à son aplomb et à son sens de la réclame qu’à la nouveauté de son spectacle.

Mais surtout ce qui fait du XVIII° siècle l’époque où l’art de la prestidigitation prend corps, sinon naissance à proprement parler. et se constitue en un ars, c’est qu’en France les premiers Traités en apparaissent à cette époque: ceux d’Ozanam (1693), de Guyot (1769) et de Decremps {1784-85).

Après l’Empire, la «Physique amusante» (1) n’eut pas un moindre succès, et les noms de Conus. d’Olivier  de Courtois. de Ledru dit Comus {beau-père de Ledru-Rollin).

sont restés, sans parler d’artistes plus secondaires, comme Miette et Lesprit, escamoteurs en plein vent qui faisaient si bien partie du décor de la rue parisienne qu’Yriarte et Champfleury leur ont consacré des chapitres anecdotiques, et que Robert-Houdin a fait l’éloge de leur adresse. Sous la Restauration et les débuts de Louis-Philippe, il y a, rien qu’à Paris et sans compter les caravanes foraines ambulantes de Courtois, Loramus, Delisle, Gallicy, une demi-douzaine de théâtres de « Magie blanche » ou « rose », dont les plus en vogue sont ceux de Comte. qui dirige un spectacle d’acteurs enfantins, de l’italien Bosco (1793-1862), actif et habile à faire sa réclame, et de Talon, dit Philippe, confiseur méridional qui passa presque toute sa vie en voyages dans toute l’Europe, et  ne resta guère que trois ans à Paris. où il édifia en 1842 une salle de spectacle boulevard Bonne-Nouvelle.

Mais, pour active que fût la Physique amusante entre 1815 et 1840, elle n’apportait guère de nouveautés : les appareils à double fond, sans parler des compères, formaient le plus clair de la technique, bien que Philippe eût apporté quelques tours nouveaux d’origine exotique (les anneaux chinois en fer qui se pénètrent ou se libèrent, et les bocaux de poissons qui apparaissent sous un foulard), et que, comme l’Autrichien Dobler, il ait créé un certain nombre de ces effets à grand matériel que nous appelons aujourd’hui « grands trucs ». Surtout, l’illusionnisme avait conservé de ses origines foraines une présentation d’un goût discutable : cuivrerie et ferblanterie surabondantes, tapis, lumières et accessoires inutiles, costumes ébouriffants et criards pour l’opérateur, calembours et mystifications semés dans toute la séance : tels étaient les défauts que n’évitaient pas même les opérateurs d’origine distinguée et de bonne éducation, comme Comte et Bosco.

 

robet houdin

Robet Houdin

La réforme qui s’imposait fut accomplie, et d’un seul coup, par un artiste français de tout premier ordre, dont le nom reste le plus illustre, peut-être, de toute l’histoire de la Prestidigitation : le célèbre Robert-Houdin. Il se présenta correctement et courtoisement, en habit noir, sur une scène meublée et éclair& avec goût et sobriété, supprima la plaisanteries discutables, quiproquos, calembredaines digressions prétentieuses ou oiseuses, et autres tares ; il relégua définitivement les appareils à double fond et autres accessoires que l’on ne pouvait laisser examiner aux spectateurs, tant le truquage en était patent et ingénu; son aide cessa d’être un pitre pour devenir un servant. Bref, l’illusionnisme qui au XVIIe siècle encore, était un spectacle de rue et de foire, au XVIIIe une distraction montant jusqu’au théâtre, devenait dorénavant un art de salon, pouvant être exercé par des gens de bonne compagnie.

Ce n’est pas tout ce qu’on doit à Robert-Houdin : dans un livre de premier ordre (suivi de quelques autres sur les grands trucs, les tricheries au jeu et sur sa propre vie).

il a donné de la technique de son art un traité qui est resté inégalé pendant cinquante ans et a été traduit en plusieurs pays.

On a pu trouver, depuis, que ses inventions personnelles avaient été peu nombreuses. que d’autres avant lui avaient opéré en habit noir ou présenté des expériences qu’il a cru être le premier à imaginer : il n’en est pas moins certain qu’il a donné un éclat remarquable à l’illusionnisme, et cela dans une carrière très courte puisqu’il n’a opéré en public que quatre ans à Paris et deux à l’étranger.

Bien qu’il n’ait pour ainsi dire pas formé d’élèves à proprement parler, on peut dire que pendant la dernière moitié du XIXe siècle il y a eu une Ecole française s’inspirant de ses principes et de son genre; les principaux noms