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La Plume de Robinson.

UN honorable industriel avait fait insérer dans plusieurs journaux l’annonce suivante : Les lettres affluaient à l’adresse indiquée, et chaque amateur recevait, par retour du courrier, la réponse remarquable par sa laconique simplicité :

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<< Prenez un crayon! »

En proposant à mes lecteurs de leur indiquer la manière d’écrire sans plume, je n’ai pas l’intention de rééditer la plaisanterie de ce trop facétieux personnage, mais bien de leur signaler une plume d’un genre nouveau, réunissant en elle toutes les qualités désirables, ainsi que vous allez pouvoir en juger, y compris celle du bon marché, puisqu’elle ne coûte absolument rien:
dame Nature la met, en effet, à notre disposition sur presque tous les points du globe. Ne la cherchez ni dans le règne minéral, qui nous fournit les plumes métalliques, ni dans le règne animal, auquel nous devons les plumes d’oie, aujourd’hui à peu près disparues, au grand désespoir de quelques adeptes fidèles; la plume que je vous propose appartient au règne végétal, et peut être employée sans aucune préparation, telle que l’a produite l’arbre sur lequel elle pousse. Notre plume, que nous baptiserons, si vous le voulez bien, la plume de Robinson, n’est autre que la double feuille de pin sylvestre ou du pin maritime. Les feuilles du pin, d’un beau vert foncé, sont menues et effilées, ce qui leur a. fait donner le nom d’aiguilles, nom d’autant mieux choisi que chacune de leurs extrémités se termine par une sorte de petit ongle acéré …
En ex.Il.minant de près une branche de pin, vous remarquerez que ces aiguilles sont réunies constamment deux par deux dans la même gaine, et, en les plaçant l’une contre l’autre, on voit que les extrémités des deux pointes aiguës dont j’ai parlé tout à l’heure se rencontrent exactement, par suite de leurs longueurs rigoureusement égales. Enfin vous remarquerez que chacune des aiguilles possède une nervure creuse longitudinale, de telle sorte qu’en juxtaposant les deux aiguilles, venues dans la même gaine, elles se touchent par leurs bords, mais en laissant entre elles un vide cylindrique qui règne sur toute leur longueur. Voici maintenant comment ces diverses observations peuvent être mises à profit pour la fabrication de la plume de Robinson.
Arrachez de la branche de pin une gaine portant deux aiguilles, et représentée au n° i de notre dessin; attachez les deux aiguilles l’une à l’autre par une petite ligature
faite avec un brin de fil, tout près de l’extrémité pointue, comme on le voit au n° 2. Voilà votre plume qui, munie de deux becs bien aigus et de même longueur, est prête à écrire tout ce que vous désirerez. Comme porte-plume, enfoncez tout le corps de la plume dans une branche d’arbre, de lilas ou de sureau, par exemple, en ne laissant dépasser les deux pointes que d’un centimètre environ, ou mieux encore tlxez-la dans un tuyau de pipe, comme l’indique le n° 3 de notre dessin. Le renflement de la gaine empêchera son glissement dans l’intérieur du porte-plume improvisé. Plongez maintenant votre plume dans un encrier, et, contrairement à ce que vous faites pour les plumes ordinaires, laissez celle-ci séjourner un certain temps dans le liquide; par suite de la capillarité, l’encre montera dans le tube formé par la réunion des deux aiguilles, et votre plume finira par être assez gorgée d’encre pour qu’il vous soit possible d’écrire 20 ou
25 lignes sans avoir besoin de la replonger dans l’encrier !
Fine, souple, inoxydable, la plume que je viens de vous indiquer pourra tracer tous les spécimens d’écritures; pleins et déliés, gothique ou anglaise, ronde ou bâtarde, n’auront pas de secrets pour elle.

La Plume de Robinson.

La Plume de Robinson.